Focusing critique intérieur et autres petites voix qui jugent…
En focusing critique intérieur et autres petites voix qui jugent peuvent survenir en séance de thérapie ou de découverte de soi. Le critique intérieur, c’est cette petite voix qui nous accompagne un peu trop souvent et qui nous souffle à l’oreille « Fais pas ci, fais pas ça! ». S’il d’aventure, nous l’ignorons, c’est d’autorité que cette voix nous fera passer son message. Généralement, ses mots sont empreints de jugements, et il peut être à l’occasion un brin accusateur. Bref, il anéantit les rares moments de fluidité auxquels nous pourrions encore accéder.
Le critique intérieur est souvent (mais pas toujours) une voix. Celle-ci est souvent (mais pas toujours) dure et agressive. De plus, elle semble avoir pris l’habitude de se manifester lorsqu’on est proche de nouvelles étapes positives, ou qu’on touche à une vulnérabilité intérieure. Ce que nous appelons « critique intérieur » semble alors se complaire à dénigrer ce qui est petit, tendre, nouveau ou encore, positif. Pas étonnant dès lors que la grande majorité des méthodes dont j’ai entendu parler traitent le critique intérieur comme quelque chose à repousser, peut-être même à rabaisser ou à critiquer à notre tour.
Cet article, pour sa pleine compréhension, requiert des bases de connaissances en focusing. Si vous n’avez pas les connaissances en question, il pourrait être utile de parcourir :
- ma page d’introduction au focusing,
- la courte vidéo YouTube Qu’est-ce que le focusing ?
- ma page explicative de la technique
- la vidéo YouTube décrivant les deux premières étapes du focusing
Pourquoi est-il nécessaire d’en tenir compte ?
Lorsque notre monde intérieur implique dureté, manque d’acceptation et jugement, il devient un endroit trop dangereux pour qu’une dynamique de changement profond ou qu’une guérison puisse se produire. Pourtant, en réalité il n’y a pas de véritables méchants ou victimes ici. Tout le monde à l’intérieur de nous, chaque partie de nous-mêmes, fait de son mieux pour aider.
Comment reconnaître le critique intérieur ?
En focusing, il arrive fréquemment que notre critique intérieur se fasse entendre. Parfois, nous reconnaissons facilement son ton. Il nous est si familier maintenant, nous poussant à prendre telle ou telle posture. Les phrases qu’il nous fait à dire ressemblent alors à ceci :
« Je ne mérite pas de me sentir aussi heureux.se »
« Je déteste mon côté faible et triste »
« Pourquoi dois-je toujours être aussi bête? »
« Je dois faire plus de méditation »
Pour être plus spécifique, vous reconnaîtrez le critique lorsqu’il utilise :
- Un langage péjoratif. En effet, « Bête », « inadéquat » et d’autres étiquettes négatives sont toujours le signe d’un processus critique.
- Des opérateurs modaux tels que « je devrais », « il faudrait », « je dois », « il faut » et leurs négatifs – «ne devrais pas», etc. – indiquent généralement un processus de critique.
- Des tentatives de se changer soi-même, ou une partie de soi. Là aussi, il s’agit probablement d’un processus de critique interne, surtout s’il y a une supposition que le changement doit se produire pour que nous soyons OK.
- Des freins à l’expression. Effectivement, lorsque qu’une partie ne veut pas parler, ou se révéler, il y a de fortes chances pour qu’elle ne se sente pas en sécurité. Si c’est le cas, c’est parce qu’il y a une autre partie du Focuser qui se cache, et est prête à dégainer la critique.
Est-il dans l’erreur ce critique intérieur ? Absolument pas ! Il travaille pour nous, c’est certain. Par contre, il est dans le respect à outrance de ses propres valeurs au détriment des autres. Un exemple ? « Tu dois accepter plus ! » Pourrait dire le critique intérieur s’il a pour valeur l’acceptation inconditionnelle. Cette proposition, si elle n’est pas intrinsèquement fausse, demeure une interprétation à outrance de l’acceptation, au détriment du respect de toutes les autres. Parmi celles-ci, on pourrait penser au respect de sa propre personne, à la fluidité de vie, à la liberté, à la confiance… Toutes ces valeurs sont parfois ballottées au gré de la vie, de la réalité. Notre critique intérieur en retient généralement une seule, voire deux, et les érige au rang de super-valeurs. Les autres valeurs sont, à ses yeux, secondaires et ne méritent à ce titre qu’une attention limitée.
Le critique intérieur et ses peurs
Nous l’avons vu, ce critique intérieur nous impose ses valeurs. Pourtant, un autre moteur motivationnel est aussi à la manœuvre : la dynamique de la peur. La partie qui critique n’aime généralement pas admettre qu’elle a peur. Cela reviendrait à faire aveu de vulnérabilité.
La peur et le besoin de contrôler sont les deux faces d’une même pièce.
Un homme qui entamait une carrière de professeur de méditation se concentrait sur un domaine difficile de sa vie. Soudain, il décrivit une partie de lui qui disait « Je n’ai aucune qualification pour être un professeur de méditation, parce que je suis tellement nul ! ». C’est alors que ma collègue lui répondit en bienveillance « Oh, elle doit vraiment avoir peur de quelque chose cette partie de vous ! ». Il l’a ressenti la possibilité que cette partie puisse avoir peur et a déclaré: « Elle a la conviction que si j’enseigne, je dois me présenter moi-même comme ayant tout résolu »
Ma collègue lui a alors suggéré de lui dire, avec empathie: « Pas étonnant que vous vous sentiez effrayée ou inquiète, si vous croyez que si j’enseigne, je me dois d’avoir résolu tous mes problèmes ». Son corps s’est alors détendu avant même qu’il ne raconte: « Je ressens un grand soulagement dans tout mon estomac mon ventre. Un lâchez prise ».
Remarquez comment la phrase commençant par « pas étonnant » est chaleureuse et empathique. Elle vise à accueillir l’émotion en diminuant l’ampleur de la croyance limitante selon laquelle il faudrait avoir résolu tous ses problèmes pour devenir professeur de méditation.
Comment prévenir la survenue du critique intérieur en focusing ?
En focusing le critique intérieur peut être préventivement apaisé si la posture mentale de base est claire. Personnellement, j’invite mon mental à adopter le mode « j’observe pour comprendre » ou encore » j’écoute pour comprendre ». Effectivement, dans la vie, nous avons pris pour habitude d’observer pour réagir et d’écouter pour répondre. Si la démarche d’observation, d’écoute, et plus généralement de curiosité pour comprendre est claire et honnête, le risque d’émergence du critique intérieur est limité.
Que faire lorsque le critique intérieur survient en séance ?
Si le critique intérieur devait se manifester en cours de séance, je vous propose de l’accueillir, le saluer et lui reconnaître ses vertus protectrices. Effectivement, il est bien intentionné, malgré son ton autoritaire. La stratégie vis-à-vis du critique intérieur en soi n’est pas l’accueil, mais il a besoin d’être accueilli. Si nous critiquons le critique, nous perpétuons le problème. C’est un point subtil et très important, alors permettez-moi de le répéter: si nous critiquons le critique, nous perpétuons le problème. Donner tort à cette partie de nous d’être telle qu’elle est, c’est devenir son critique – et cela déplace simplement la même dynamique à un autre niveau.
Ce que vous remarquerez sans doute également, c’est qu’il peut survenir dans deux modalités différentes : la petite voix d’une part, et la partie de soi d’autre part. Dans le premier cas, il s’agit de réponses qui surgissent et qui jugent ou tentent de nous changer. Les réponses sont influencées par ce critique intérieur, mais par contre, il n’est pas réalisable de faire du focusing sur le critique car il n’est pas une partie de nous-mêmes. Il est comme sec, aride. Il est alors juste comme une petite voix éducationnelle. Dans le second cas, par contre, il est telle une entité de nous qui n’est pas à l’aise. Il s’agit alors d’une partie apeurée par exemple. Il est possible dans ce cas de lui donner de l’empathie, de la présence, de l’espace.
Les deux options proposées
Lorsqu’il s’agit de la petite voix éducationnelle, vous pouvez lui intimer de prendre du recul et de ne revenir qu’à une et une seule condition : du neuf ! Personnellement, je l’invite à s’installer confortablement dans la pièce voisine, à écouter à la porte s’il le souhaite. Dites-lui que dans l’expérience que vous êtes en train de vivre, vous avez correctement capté son message et que vous souhaitez en apprendre davantage sur vous-même. Il peut observer à distance, et ne revenir vers vous qu’en cas de message réellement neuf. Cette solution-ci est à privilégier également lorsque vous souhaitez aller directement sur un sujet précis, par exemple, votre appréhension à lancer votre projet.
La seconde stratégie consiste à être en présence à lui et à considérer qu’il est peut-être la clef de la difficulté. Concrètement, lorsqu’un critique survient, il est tout d’abord utile de s’en détacher. C’est ainsi que vous pouvez utiliser une phrase qui commence par les mots « je sens quelque chose en moi qui…»
Ainsi, une personne qui dit « C’est con ! », pourrait changer cela en « Je sens quelque chose en moi qui dit que c’est con ».
La plupart des gens éprouvent une grande différence entre ces deux phrases. Habituellement, la seconde phrase apporte une sensation de plus d’espace, plus de perspective. « Je me souviens que je suis plus que cela, il y a plus en moi que cela » pourrait-on s’entendre dire. Il devient alors possible de se tourner vers la partie critique et vers toute autre partie, avec cette curiosité bienveillante. Se concentrer sur les aspects intérieurs devient possible.
Ce dont elle ne veut pas
Inviter une partie critique à révéler ce qu’elle « ne veut pas » peut être un processus hautement transformateur. En particulier, il est utile de l’inviter à vous dire ce qu’elle ne veut pas qu’il vous arrive. Cela ressemble tout simplement à ceci: « Je t’invite à me dire ce que tu ne veux pas qu’il m’arrive ». Formulée de cette façon, l’invitation valide le caractère protecteur de cette partie de vous. Elle est alors généralement plus encline à expliquer.
Effectivement, si vous vous connectez à l’émotion de type « peur », il est plus facile pour elle de commencer à vous faire savoir ce qu’elle ne veut pas qu’il vous arrive. Sans lien émotionnel, cette étape peut être plus difficile, parfois impossible. Sentir son émotion (la peur) est une étape clé; ensuite s’enquérir de son non-désir.
Ce dont elle veut
La bonne nouvelle, c’est qu’une fois que le « ne veut pas » a été clairement exprimé et entendu, le « veut » devient alors assez accessible. Par ailleurs, à partir du moment où une partie est prête à dire à un Focuser ce qu’elle veut, elle tend à s’apaiser. Elle devient un protecteur inquiet qui a été entendu. C’est une raison suffisante d’ailleurs pour abandonner le terme « critique » et de nommer cette partie par la façon dont elle se comporte, en changeant sa description à mesure que son comportement se transforme.
Le critique et le critiqué
« Quand je suis en mode curiosité bienveillante, je ne me sens pas critiqué ».
Si on se sent critiqué par une partie de soi qui critique, alors cela doit être une autre partie de soi qui doit également être reconnue, celle qui se sent critiquée et qui a des sentiments à ce sujet: colère, rébellion, culpabilité, embarras, honte.
Être en curiosité permettra au Focuser d’être à la fois présent à la partie qui critique et à la partie qui réagit à la critique. Chaque côté vivra une émotion, un non-désir et un désir, qui peuvent être ressentis dans le corps à leur propre rythme, reconnus et entendus. C’est par là que procèdera la guérison.
Examen du processus jusqu’à présent
- Prendre conscience qu’un processus interne de critique se produit
- Entrer en présence avec tous les aspects de l’expérience, y compris le processus de critique intérieur
- Remarquer comment le processus interne de critique est ressenti corporellement ou comment il se présente, comme sensation, voix ou image
- Détecter s’il pourrait y avoir une peur
- L’inviter à dire ce qu’elle ne veut pas qu’il m’arrive
- L’inviter à dire ce qu’elle veut
- Être en présence à la partie qui se sent critiquée
Vers une nouvelle vision du critique intérieur : « La partie qui critique en ce moment »
La voix sévère appelée « critique intérieur », pour ma part, je préfère l’appeler « partie qui critique en ce moment ». En focusing, j’ai pris l’habitude d’adopter un langage qui ouvre la porte au changement. Alors appelons donc ce critique la « partie qui critique en ce moment ». Une fois que nous utilisons ce type de langage, nous pouvons même trouver curieux de savoir ce qui pourrait le rendre si critique.
La différence est de taille. Nous venons en effet d’opérer un virage crucial, passant de cette partie de nous-même que nous considérions jusqu’alors comme critique par nature…à un état temporaire qui se produit pour une bonne raison.
C’est un peu comme lorsque nous cessons d’étiqueter un comportement comme négatif et que nous commençons à le considérer comme compréhensible d’un certain point de vue. Quand je vois le désordre dans la chambre d’un de mes enfants, je peux le ou la considérer comme paresseux.se. Alternativement, je peux me souvenir à quel point il m’était difficile quand j’avais son âge de m’atteler au rangement. Ce changement de perception transformer profondément ma perception de ce qu’il ou elle fait. Cela ne veut pas dire que je cesserai de vouloir qu’il ou elle nettoie sa chambre – mais cela changera ce que je lui dis, comment je le dis, comment il ou elle me perçoit et finalement la qualité de la relation.
Article inspiré de https://focusingresources.com/radical-gentleness-the-transformation-of-the-inner-critic/